Hôpitaux : 4 secteurs où les PREMs et PROMs ont un impact significatif
Par Francis Robichaud, spécialiste en technologies d'expérience patient, 8 septembre 2025
Les systèmes de santé modernes font face à de nombreux enjeux, notamment l’amélioration de la qualité des soins tout en optimisant l’utilisation des ressources. C’est dans ce contexte que les mesures rapportées par les patients, les PROMs (Patient-Reported Outcome Measures) et les PREMs (Patient-Reported Experience Measures), s’imposent comme des outils incontournables.
Contrairement aux indicateurs traditionnels, les PROMs permettent d’évaluer directement les résultats perçus par les patients (la douleur, mobilité, qualité de vie) alors que les PREMs mesurent leur expérience vécue (communication, accessibilité, respect pendant les soins).
À travers quatre grands secteurs cliniques, cet article met en lumière comment ces indicateurs transforment concrètement les soins.
1. Soins chirurgicaux et spécialisés
Les soins chirurgicaux sont souvent associés à des gestes techniques et des protocoles bien définis. Pourtant, ce qui distingue une chirurgie réussie d’un véritable rétablissement, ce sont les résultats et l’expérience vécus par le patient après l’intervention.
Dans ce contexte, les PROMs et PREMs permettent aux établissements d’aller au-delà des résultats cliniques habituels, en mesurant l’impact réel des soins sur la vie quotidienne et la perception de la qualité des soins, du point de vue des patients.
Orthopédie : retrouver plus que la mobilité
En orthopédie, notamment pour les remplacements de la hanche et du genou, l'utilisation des PROMs et PREMs est bien établie. Ces interventions visent des résultats très concrets : mobilité, soulagement de la douleur, autonomie, ce qui les rend particulièrement propices à une évaluation centrée sur le patient.
Pourquoi cette approche est-elle si répandue ?
- ➡️ Les trajectoires sont standardisées : il est facile d'intégrer des mesures pré et postopératoires.
- ➡️ Les patients peuvent s’autoévaluer de manière fiable, renforçant la qualité des données.
Pour les établissements, les bénéfices sont multiples :
- ✅ Meilleure sélection des patients grâce aux scores préopératoires. Par exemple, les outils OHS (Oxford Hip Score) et OKS (Oxford Knee Score), recommandés comme standard national par l'Institut canadien d'information sur la santé (ICIS).
- ✅ Évaluation rigoureuse des résultats chirurgicaux à partir de ce que les patients ressentent réellement.
- ✅ Amélioration continue des parcours : les PREMs identifient les irritants dans le parcours (préparation, communication, soutien postopératoire), ce qui permet des ajustements fondés sur des expériences réelles.
💡 Exemple concret : les projets pour lesquels nous utilisons les questionnaires OKS et OHS sont la trajectoire d'arthroplastie du genou et de la hanche, avec le CHU de Québec-Université Laval. Une amélioration de 5 points (genou) ou 5 points (hanche) est considérée comme un changement significatif. Suivre ce seuil permet de cibler les pratiques les plus efficaces et d'orienter les décisions et processus cliniques.
Résultat : Les PROMs transforment un acte chirurgical en expérience globale mesurable, du premier rendez-vous au retour à domicile.
Chirurgie bariatrique : mesurer la transformation au-delà des données sur la perte de poids
Trop souvent, la chirurgie bariatrique est réduite à une métrique unique : les kilos perdus. Pourtant, ses retombées sont bien plus vastes : estime de soi, mobilité, retour à l’emploi, santé mentale.
Les PROMs, comme l’IWQOL-Lite ou le BODY-Q, permettent de capter ces changements. Les PREMs, quant à eux, révèlent des éléments décisifs du parcours :
- ➡️ Préparation adéquate à la chirurgie ;
- ➡️ Clarté des explications ;
- ➡️ Qualité du soutien préopératoire et postopératoire, car une trajectoire de soins en chirurgie bariatrique est très longue et le soutien préopératoire est tout aussi important qu'après la chirurgie.
Pour les hôpitaux, cela signifie :
- ✅ Une détection des failles dans l’accompagnement pré et post-opératoire ;
- ✅ La valorisation de l’expérience patient comme indicateur de succès ;
- ✅ Le renforcement de la légitimité de ces interventions en contexte de soins fondés sur la valeur.
💡 En intégrant ces mesures, les établissements repositionnent la chirurgie bariatrique comme une intervention de transformation globale de la qualité de vie, bien au-delà des résultats cliniques classiques.
2. Santé mentale et comportementale
Les soins en santé mentale et en dépendance présentent des défis particuliers, qui rendent difficile de se fier uniquement à des indicateurs cliniques classiques pour juger de l'efficacité des soins : les symptômes sont souvent invisibles, les trajectoires imprévisibles, et les facteurs de rechute nombreux.
C’est précisément ce qui rend les PROMs et PREMs si précieux dans ces domaines : ils donnent une voix directe aux personnes soignées, et rendent visibles des transformations autrement imperceptibles.
Santé mentale : mesurer l’invisible
Dans un domaine où les symptômes sont souvent subjectifs et fluctuants, les PROMs (PHQ‑9, GAD‑7, WHODAS) offrent une lecture nuancée de l’évolution des patients.
Les PREMs, quant à eux, mettent en lumière ce qui influence réellement l’engagement thérapeutique :
- ➡️ La qualité de la relation patient-clinicien ;
- ➡️ Le respect de l’autonomie ;
- ➡️ La clarté dans la prise de décision.
Pour les établissements, ces mesures :
- ✅ Expliquent les décrochages de suivi malgré une amélioration clinique ;
- ✅ Détectent les obstacles systémiques (accès, continuité, communication) ;
- ✅ Alignent les soins sur les valeurs d’écoute et de respect.
💡 Des initiatives ICHOM ont montré qu’intégrer ces outils contribue à réduire les hospitalisations non planifiées, améliorer l’adhésion et renforcer la confiance envers les services.
Troubles liés à l’usage de substances (SUD)
En traitement des dépendances, les trajectoires sont souvent non linéaires, marquées par des arrêts et des reprises. Ici, les PROMs aident à capter :
- ➡️ La motivation à changer ;
- ➡️ Le sentiment de contrôle ;
- ➡️ Le retour à des liens sociaux stables.
Les PREMs, eux, révèlent les conditions d’un engagement thérapeutique durable : accueil sans jugement, continuité, soutien en période de vulnérabilité.
Pour les milieux cliniques, ces mesures permettent de :
- ✅ Mieux comprendre les décrochages ;
- ✅ Adapter l’accompagnement dans les moments critiques ;
- ✅ Valoriser l’expérience vécue comme facteur central de réussite.
💡 L’ICHOM a développé un ensemble spécifique pour les troubles liés à l’usage de substances, signalant un tournant vers des soins plus humains, basés sur la reprise de pouvoir du patient.
3. Soins sensibles au développement
Lorsqu’il s’agit de soigner des enfants, des adolescents ou de jeunes adultes, les repères habituels de performance clinique ne suffisent pas.
Dans ces contextes, les PROMs et PREMs deviennent des outils de traduction : ils permettent aux établissements de mieux comprendre comment les jeunes vivent leur maladie, comment ils interagissent avec le système, et ce dont ils ont réellement besoin pour aller mieux.
Pédiatrie : soigner en s’adaptant aux trajectoires de vie
Chez les jeunes, la maladie interfère avec une période de croissance, d’apprentissage et d’identité. Les PREMs éclairent la relation avec les soignants et l’implication des parents dans les décisions.
Les PROMs (ex.: PROMIS, PedsQL) mesurent plutôt :
- ➡️ Les effets sur la douleur, en particulier les symptômes qui doivent être suivis en trajectoire de soins d’oncologie chez les jeunes comme, par exemple, les effets sur la douleur et les symptômes physiques;
- ➡️ Le sommeil;
- ➡️ L’estime de soi ou les interactions sociales.
Pour les établissements, ces outils :
- ✅ Détectent des obstacles développementaux ou psychosociaux avant qu’ils ne nuisent à l’adhésion ;
- ✅ Renforcent le lien de confiance entre les familles et le système de santé ;
- ✅ Favorisent des soins véritablement personnalisés.
💡 Dans un contexte où la santé mentale des jeunes est de plus en plus préoccupante, ces mesures deviennent essentielles pour bâtir des soins plus justes et plus sensibles aux réalités vécues.
4. Soins chroniques complexes
Les maladies chroniques graves, comme le cancer ou les maladies cardiaques, confrontent les patients à des réalités durables et multifactorielles. Les traitements ne visent pas seulement à guérir, mais à prolonger la vie, à maintenir la qualité de vie et préserver l’autonomie.
Dans ces contextes, les indicateurs centrés sur la personne sont essentiels pour ajuster les soins à l’évolution réelle de la condition et au vécu individuel.
Oncologie
L’oncologie, notamment, offre un terrain éclairant. Certains cancers, comme ceux de la prostate ou du côlon, peuvent être pris en charge de manière très différente selon le stade, l’âge, les préférences ou les effets secondaires.
C’est ici que les PROMs et PREMs démontrent toute leur puissance : ils aident les équipes à entendre, comparer et accompagner ce que les traitements changent dans la vie des patients.
De nombreux patients vivent également avec des séquelles durables : troubles urinaires ou sexuels, fatigue chronique, douleurs abdominales, anxiété liée aux récidives. Pourtant, ces dimensions sont rarement documentées de manière systématique dans les dossiers cliniques.
Les PROMs comme l’EPIC-26 ou les questionnaires EORTC QLQ-C30/CR29 permettent aux patients de décrire :
- ➡️ Leur état physique ;
- ➡️ Leur bien-être émotionnel ;
- ➡️ Leur intégration sociale.
Les PREMs complètent cette lecture en mettant en lumière :
- ➡️ La clarté des informations reçues ;
- ➡️ La coordination entre professionnels ;
- ➡️ Le respect des préférences en soins palliatifs ou curatifs.
Pour les organisations, cela permet de :
- ✅ Personnaliser les traitements selon les priorités des patients ;
- ✅ Renforcer la décision partagée ;
- ✅ Évaluer l’impact global du parcours, bien au-delà des chiffres de survie.
💡 En oncologie, ces outils recentrent les soins sur la dignité, le confort et la qualité de vie avec la maladie, au lieu de seulement mettre les énergies à « rester en vie ».
Mesurer les PROMs et PREMs en milieu hospitalier pour optimiser le parcours de soins
Que ce soit en chirurgie, en santé mentale, en pédiatrie ou en oncologie, une chose se confirme : les PROMs et PREMs changent la façon dont les établissements conçoivent, livrent et évaluent les soins. Ils permettent non seulement de mieux comprendre les résultats du point de vue du patient, mais aussi de détecter les angles morts des pratiques cliniques et organisationnelles.
Intégrer ces mesures veut dire de passer d’un système qui soigne pour le patient à un système qui soigne avec le patient. C’est aussi s’outiller pour prioriser ce qui compte vraiment : la qualité perçue, l’impact réel sur la vie quotidienne, et la relation de confiance qui soutient tout le reste.
Chez Lime, nous croyons fermement que l’avenir des soins passe par cette transformation et que chaque donnée rapportée par un patient soit une occasion de mieux faire, ensemble.